« C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme, mais elle prend pas la femme qui préfère la campagne » Renaud
Il était une fois…
Vous vous souvenez du début des Stances à Sophie « ce qu’il y a avec nous, pauvres filles, c’est qu’on n’est pas instruites. On arrive là-dedans sans véritable information. On arrive dans un truc déjà tout constitué, il paraît que c’est comme ça depuis toujours et qu’il suffira de faire comme tout le monde … » ?
Bon, citation peut-être pas très exacte mais l’idée générale est là.
Non, ON ne m’a pas prévenue, jamais, personne.
Méfiante j’avais bien essayé d’aller à la pêche aux infos dans tous les bistrots du port proches de chez moi, et j’avais aussi fouillé du bec dans les blogs de grands et petits voyageurs ... nichts, nothing, nada, RIEN !
A peine si on évoquait parfois et encore en en plaisantant ( c’est vrai que plus drôle, tu meurs ) les affres du mal de mer …qui ne duraient jamais longtemps si on était un vrai loup de mer et qui de toutes façons, étaient considérées comme une sorte de rite de passage obligatoire .
Alors jugez un peu de mon étonnement quand moi, pauvre mouette SDF, j’ai par exemple eu affaire pour la toute première fois , avec l’annexe .
CHAPITRE 1 : L’ANNEXE
L’annexe, pour les non avertis, c’est le petit bateau accroché à l’arrière du gros sur lequel on vit et navigue . Petit bateau censé nous permettre de rejoindre la terre quand on désire : faire des courses, revoir de l’herbe, un troquet, une mobylette, etc .
Hé bien, le croiriez-vous, ce petit véhicule n’a rien de commun avec une bicyclette, une voiture, bref avec les moyens de locomotion terriens .
En fait, ce machin semble vraiment avoir été inventé pour pourrir la vie des marins débutants et aussi pour faire rigoler tous les autres aux dépens des petits nouveaux .
Je m’explique : Tout d’abord si vous n’avez pas de talents particuliers de rameur, votre annexe sera ( c’est le cas le plus courant ) équipée d’un moteur . Moteur qui se démarre comme la tondeuse de Pappy, à l’huile de coude ! Ce qui veut dire en clair, pendant que le capitaine premier descendu dans l’annexe, s’escrime pour démarrer ce P..tain de moteur, ce N.m de D.eu de B..del de , etc, etc, la femme du capitaine, restée prudemment sur le gros bateau, attend, oreilles chastement bouchées, et mains cramponnant la corde qui retient annexe et capitaine et les empêche de dériver .
Enfin, le rugissement du moteur remplace ceux du Cap’tain. Alléluïa ? Heu, moyen car à présent, la femme du capitaine doit descendre, sauter, glisser, bref, essayer de prendre place dans l’annexe sans perdre l’équilibre ni ses lunettes de soleil, son sac à commissions, sa dignité et sa grâce naturelle…je ne vous dis pas la galère quand l’annexe , portée par la houle, monte, descend..bref, admettons que l’opération réussisse .
Suite : Le Cap’tain doit maintenant embrayer et mettre le cap sur le ponton proche. Après trois ou quatre tentatives ( aurais-je oublié de le dire ? le moteur des annexes adore CALER ) l’annexe vogue. La femme du Cap’taine ayant enfin compris que quand son homme tire à fond sur la ficelle du démarreur, elle doit se garer, est toute fière . Pas de coquard aujourd’hui .
Et fin : Ponton en vue. Pour celles qui , comme la femme du capitaine, avaient bêtement imaginé une annexe se posant gracieusement sur le sable de la plage , oubliez . L’annexe qu’on essaie de faire beacher ( accoster sur la plage ) se fâche : l’hélice de son moteur se bloque dans le sable et c’est la caca, c’est la cata .
Ponton en vue donc : Ach so, gross problem à l’horizon . En Martinique, ne me demandez pas pourquoi, je l’ignore, beaucoup de pontons sont prévus pour des vedettes ( gros bateaux à moteurs ) pas pour les annexes , c'est-à-dire qu’ils sont trop hauts pour l’embarcation du capitaine et de sa gracieuse moitié .
Résultat, il faut se battre contre le courant pour ne pas passer en DESSOUS et s’accrocher au plus vite à la première bitte venue ( OUPS, vous l’ignoriez ? les trucs auxquels on amarre son bateau s’appellent comme ça ).
Ndlr : il existe toutes sortes de bittes d’amarrage, des grosses, des petites, des en béton, en bois, en métal... « assise sur une bitte d’amarrage elle pleure son homme qui la quitte, la mer c’est son malheur » Renaud.
ATTENTION : ne pas s’assoir étourdiment sur la première b..e venue sous peine de dommages collatéraux .
La femme du capitaine a réussi la manœuvre sans tomber, sans se pincer les doigts entre la bitte et le bout ( OUPS, vous l’ignoriez ? Tout ce qui s’appelle ficelle ou corde sur terre devient bout ( prononcez boute ) sur un bateau .
Il ne reste plus à cette vaillante matelotte qu’à escalader une p.tain d’échelle gluante et glissante et pas du tout prévue pour l’escalade car bêtement fixée tt contre le ponton en béton donc grandes pointures s’abstenir car elles n’y posent avec difficultés que le bout des orteils .
Après quelques glissades et cris de pintade, la femme du cap’tain est arrivée sur le ponton et a fixé temporairement le « bout »
Pourquoi temporairement ? Parcequ’un cap’tain digne de ce nom, ne laisse jamais sa précieuse annexe à la merci des vilains voleurs et la cadenasse donc .
L’opération cadenas est inénarrable, m’en vais quand même tenter de le faire . Il faut : une grosse chaîne ( les petites se coupent avec des tenailles ) et un gros cadenas . Sur terre, c’est facile, la chaîne et le cadenas restent tranquilles. Sur mer c’est une autre histoire, ça bouououge, résultat, on se pince les doigts . Il arrive aussi que le cadenas tombe .. dans l’eau et bien entendu, coule !
Je pensais que se pincer les doigts était plus douloureux que de perdre un cadenas mais si j’en juge par les rugissements du cap’tain quand il a perdu son premier cadenas…bref, ça y est, l’annexe est cadenassée et l’homme grimpe, orteils cramponnés à l’échelle.
A peine arrivé sain et sauf, il s’aperçoit en jetant un œil sur son annexe chérie que celle-ci cogne durement contre le ponton béton et qu’elle n’aime pas ça du tout.
Sur le chemin des courses et de la civilisation terrienne, la femme du cap’tain comprend vite qu’à cause de ces « andouilles qui pourraient quand même prévoir quelques planches pour protéger les annexes » elle va devoir ramer pour revoir de temps en temps la terre.
Ponton du port du Marin , l’exception culturelle martiniquaise, facile d’accès, d’amarrage, bref , 4 étoiles .
A suivre.....
Dernière édition par Lamouette 2 le Ven 14 Mai - 12:09, édité 1 fois